lundi 31 octobre 2011

#8 Une anecdote encore très marquante




Non seulement une caricature peut être méchante, mais elle peut l'être sans le vouloir. Cela dépend en grande partie de la sensibilité du sujet et de son degré d'acceptation de son physique. J'en veux pour témoignage ce souvenir vécu.
Un jour, arriva dans mon entreprise une nouvelle collègue. Or cette femme, jeune, associait à son grand regret un corps de mannequin à la silhouette de rêve et un visage plus ingrat, aux traits rudes, plutôt masculins. Bref, nettement moins séduisant.
L'homme que j'étais avait admiré les courbes de la silhouette. Mais le caricaturiste en moi avait noté plus encore le portrait. Deux jours ne s'étaient pas écoulés que le croquis avait rejoint au mur la collection déjà commencée, au grand plaisir de mes collègues qui le trouvèrent très ressemblant et très drôle.
Celle que cela ne fit pas rire du tout à cette découverte, c'est la nouvelle arrivante. Il faut dire, premièrement, que j'avais fait sa caricature entièrement de mémoire et il faut croire que son visage m'avait bien marqué.
Il faut surtout ajouter, ce que je découvris peu après par des amis qui la connaissaient, que notre nouvelle collègue ne vivait pas bien du tout la disgrâce de ses traits. Cela touchait même au complexe profond et ne laissait plus de place à l'humour. J'en fus désolé, n'ayant jamais eu l'intention de la blesser ou de me moquer d'elle.
Elle nous quitta assez peu de temps après. 
Je me persuade depuis que je n'y suis pour rien.

vendredi 21 octobre 2011

#7 La caricature doit-elle être méchante ?


Ce qui est amusant, à chaque fois que l'on me demande une caricature personnelle, c'est la régularité de la deuxième partie de la question : "J'aimerais bien que tu fasses ma caricature… mais tu n'est pas méchant ?". 
S'attaquer au physique d'une personne, ce n'est pas gentil. Mettre le plus en avant possible les défauts qui caractérisent un visage, ce n'est pas très charitable. Le caricaturiste n'est pas là pour être gentil ni charitable. D'ailleurs, quel est le plus méchant des deux, l'artiste qui "déforme" ou le spectateur (qui bizarrement n'est jamais le sujet), qui trouve que "ce n'est pas vraiment une caricature" ?
Il peut arriver pourtant qu'une caricature soit volontairement plus méchante. Cela est lié aux sentiments qu'éprouve le caricaturiste (ou le commanditaire) envers le sujet. Le trait sera certainement plus poussé, et avec plus de jubilation, si l'on éprouve envers lui des sentiments négatifs (colère, mépris, reproches…). Pour le coup, l'objet du dessin sera vraiment la "victime" de notre ressentiment. Tant pis pour lui (ou elle).
Habituellement, la caricature en tant que telle n'a pas à être méchante ou gentille. Elle doit être sans pitié. 
C'est différent… mais largement suffisant.

lundi 10 octobre 2011

#6 La caricature doit-elle être drôle ?




Les caricatures font presque toujours sourire, c'est devenu une de leurs caractéristiques. Amplifier les "défauts" physiques de quelqu'un donne presque toujours un résultat amusant (même s'il n'est pas charitable de se moquer du physique, la caricature ne fait que cela). La victime en ressort risible, souvent grotesque, parfois ridicule (ce qui est très apprécié envers les hommes politiques). 
Pour autant, est-elle obligée d'être drôle ? Et d'abord pour qui ? Pour rire de voir amplifiés et révélés au grand jour les déséquilibres que justement il cherche à dissimuler, le sujet caricaturé montrera un sens de l'humour ou d'auto-dérision certain (j'y reviendrai une autre fois). Tous les autres riront évidemment plus facilement, étant connu depuis La Fontaine que nous nous moquons avec joie de la paille dans l'œil du voisin sans être gêné par la poutre qui se trouve dans le nôtre.
Le rire peut ainsi être partagé en groupes de rieurs.
Pour une personne privée, ce sont ses relations qui la reconnaissent et approuvent tous ensemble la mise en avant des caractéristiques physiques qu'il n'oseront souvent pas moquer directement.
Pour un personnage public, ce sera tout un chacun qui appréciera de se moquer de quelqu'un beaucoup plus célèbre et fortuné que lui.
Mais tout dépend aussi de l'intention. Tant que la caricature reste au niveau de la moquerie sans mépris ou de la bouffonnerie irrespectueuse du fou du roi, tout le monde pourra rire de bon cœur sans mauvaise conscience.
Quand la caricature est au service d'un message particulier, sert une propagande, diminue les uns pour amuser les autres, il n'est plus question du même humour. Les caricatures présentées par les nazis et moquant le physique supposé des juifs ne faisaient rire que les antisémites, de même que les racistes s'amusent beaucoup avec les représentation dégradantes d'hommes d'une autre couleur qu'eux.
En caricature aussi, on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde.

Elle n'est pourtant jamais aussi réussie que lorsqu'elle touche à l'universel.

lundi 19 septembre 2011

#5 une anecdote pour changer

Une de mes premières caricatures m'a fortement marquée en me faisant prendre conscience de leur pouvoir sur le modèle. Je ne pense pas ici à celle de ma prof de philo en maillot de bain (que je ne lui ai jamais montrée et qui m'a été volée par un camarade indélicat) mais à celle que j'ai eu envie de faire d'un prof aux beaux-arts. Celui-ci impressionnait tout le monde physiquement, moi compris, par son air taciturne, son regard dur et ses saillies caustiques.
Mais il avait aussi une vraie "gueule" qui m'inspirait et que je sentais bien. Je me suis donc lancé un jour en me demandant si j'arriverais à faire comme Mulatier que j'admirais déjà. Le résultat à dépassé mes espérances sur plusieurs points.




- Même si le rendu montrait des maladresses, j'ai pris confiance en moi en voyant que j'y arrivais.
- L'ayant montrée à mes meilleurs copains, le succès a été immédiat et le bruit s'est répandu à tel point (sans réseau social) que tout le monde venait me demander de lui montrer cette caricature. Cet accueil enthousiaste était très agréable et bon pour le moral.
- Conforté dans la réussite du dessin, j'ai surmonté ma timidité et dévoilé sa caricature au prof lors de son passage. Sa réaction a été très surprenante. Heureux comme un enfant, il s'est précipité pour la montrer à tous ses collègues qui riaient autant que mes camarades d'atelier.
Ce professeur, avec qui j'avais eu plusieurs fois des critiques négatives et décourageantes sur mes travaux, me félicitait comme il ne l'avait jamais fait et était visiblement ravi d'être caricaturé pour la première fois de sa vie.
Je me sentais puissant face à lui et comprenais comment le fait de dessiner des mastodontes sur la paroi des cavernes avant de partir les chasser donnait du pouvoir aux hommes préhistoriques sur des animaux qu'ils redoutaient dans la nature.



J'ai accepté ce jour là d'intégrer que mon expression artistique personnelle était la caricature. Les portraitistes bénéficient dans l'art d'une aura plus grande et vénérée, mais des caricaturistes, il n'y en a pas autant et j'étais le seul de toute l'école. Je ne devais donc pas prendre ce fait comme une déchéance mais plutôt comme un motif de fierté si j'arrivais à être suffisamment talentueux pour faire ainsi à chaque fois briller les yeux de mes modèles et la joie de ceux qui les connaissent.

lundi 5 septembre 2011

#4 Jusqu'où peut aller la caricature ?


J'ai déjà mentionné précédemment qu'une des bases d'une caricature était de ressembler à son modèle. La seule limite à ne pas dépasser est donc celle de ne plus être ressemblante, ou du moins reconnaissable. Toutes les déformations et accentuations physiques peuvent être poussées jusqu'à ce point de non retour.
Naturellement, cette limite est subjective. Elle est différente également selon les sujets.
Plus un visage est "caricatural" au départ et plus le dessinateur pourra aller loin. Ne le ferait-il pas ou pas assez qu'il ne manquerait pas d'entendre des commentaires du genre : "c'est trop gentil, avec lui (ou elle), il y a pourtant de quoi faire… !".
Pareillement, plus un personnage est connu, plus son physique est assimilé par le plus grand nombre, et plus on pourra prendre de liberté avec lui.

Donc, vous l'aurez compris, rien de plus ennuyeux pour un caricaturiste que quelqu'un de jeune, beau (en plus ça énerve) et inconnu.

samedi 27 août 2011

#3 Caricature réussie (suite)

En plus des éléments déjà mentionnés, un point complémentaire me semble très important pour concourir à la pleine réussite d'une caricature. Celle-ci se doit d'être unique et originale.
Unique parce que le physique et la personnalité du sujet ne se retrouvent chez personne d'autre. Sa caricature ne doit donc être semblable à aucune autre.
Originale parce qu'elle reflète le talent de l'illustrateur qui doit faire œuvre personnelle. C'est évident quand il s'agit d'une personne connue d'un cercle assez restreint. Pour les personnage célèbres, il arrive qu'ils aient déjà été caricaturés auparavant, et avec talent. Une nouvelle caricature ne doit pas s'inspirer de la première mais du modèle lui-même, ce qui en fait la difficulté mais aussi la valeur. Rien n'est plus triste que les caricatures qui plagient une précédente, comme certains imitateurs imitent plus une imitation qu'ils n'apportent une propre version talentueuse.
Caricature unique ne veut pas dire définitive. Comme le modèle évoluera forcément, parfois de manière très sensible, une nouvelle caricature reflètera cette évolution et ne ressemblera pas plus à la première version que le modèle d'aujourd'hui à son image d'avant. Le caricaturiste peut donc "réattaquer" son sujet avec plaisir à plusieurs reprises. Quel meilleur partenaire pourrait-il trouver que le temps qui passe !

vendredi 19 août 2011

#2 Qu'est-ce qu'une caricature réussie ?


Il faut toujours garder à l'esprit que, si la caricature est un portrait charge, elle est d'abord et avant tout un portrait. Les critères de réussite répondent aux mêmes impératifs et en premier la ressemblance. Quelles que pourraient être les qualités artistiques d'une caricature, si elle n'est pas ressemblante et que personne ne reconnaît le sujet, elle est définitivement ratée.
Mais cette ressemblance, si elle est nécessaire, n'est pas suffisante. Le deuxième point à considérer est la charge appliquée. Que l'on ait l'impression que le visage n'est pas vraiment "déformé" et il y aura déception. Une caricature sera d'autant plus réussie que l'on aura rejoint, et surtout dépassé, les attentes des spectateurs. 

mardi 9 août 2011

#1 Qu'est-ce qu'une caricature ?



Une caricature, finalement, c'est avoir vraiment la grosse tête. C'est une œuvre artistique moins fidèle qu'un portrait mais plus ressemblante (du moins pour toutes les connaissances du sujet, rarement du point de vue du sujet lui-même). C'est un assemblage irréaliste de détails qui, pris isoléments, sont parfaitement exacts. C'est anticiper un peu sur l'évolution que feront subir les années (le temps étant le meilleur des caricaturistes) alors que le portrait aurait tendance à rajeunir légèrement pour faire plaisir au modèle. La caricature, c'est au fond la forme sous laquelle nous nous souvenons ou décrivons une personne avec ses particularités (il a un gros nez ou de grandes oreilles, un grand mentons ou des yeux tombants…). Bref, nous sommes tous des caricaturistes… pour les autres.