La caricature comme un air de jazz

 

Il m'arrive parfois de revenir sur une caricature ancienne. Soit parce que la première version ne me satisfait plus, soit parce que j'en suis toujours fier, mais que je veux l'actualiser avec les outils que j'utilise maintenant. C'est le cas ici avec cette caricature de Dizzi Gillespie.

L'inscrire sur sa tablette

Pendant des années, j'ai réalisé mes portraits caricaturés uniquement au crayon. C'est un outil que je maîtrise bien et qui permet un rendu avec de la souplesse. En utilisant des crayons plus ou moins secs ou gras, on peut obtenir des nuances de gris très intéressantes. Et même si on se limite au crayon moyen HB le plus courant, il suffit d'appuyer plus ou moins sur le papier pour obtenir le même effet. Mais je mentirais en évoquant uniquement cette raison. Il y avait aussi de la peur, celle de ne pas être suffisamment sûr de son trait pour le fixer en noir avec un outil comme la plume. J'ai trouvé mon bonheur en passant résolument à la tablette numérique. Elle me permet d'utiliser tous les pinceaux ou plumes dont j'ai besoin tout en me permettant de revenir en arrière si je ne suis pas satisfait. Le bonheur, je vous dis.

Sonnez trompette !

Un petit mot sur Dizzi quand même. Comment ne pas être attiré en tant que caricaturiste par un musicien de très grand talent utilisant une technique de trompettiste déconseillée par tous les enseignants classiques. Sa manière personnelle et unique de gonfler les joues comme un batracien était un appel irrésistible pour mon crayon, qui n'avait plus qu'à s'amuser en poussant la carte animale. Et que le crayon laisse la place au stylet n'enlève rien à son charme, il permet même d'ajouter une petite touche de couleur très jazzy.

La caricature fait la révolution

 

Mirabeau, une gueule de la Révolution

L'histoire de France ne manque pas d'hommes célèbres avec une forte personnalité. Certains d'entre eux avaient une "gueule" qui, non seulement impressionnait leurs contemporains, mais continue à inspirer le caricaturiste. Mirabeau est incontestablement de ceux-là.

Une éloquence qui a de la gueule.

Resté dans l'histoire comme l'un des plus grands orateurs de la Révolution Française, Mirabeau s'imposait par la puissance de son verbe. Nos manuels d'histoire ont conservé sa formule la plus célèbre, un peu simplifiée : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes21 ».

Mirabeau n'était pas beau.

Le visage volontaire de ce noble devenu le porte-parole des députés du Tiers-état était marqué par les cicatrices laissées par la vérole. Cela devait ajouter une dimension supplémentaire à l'impression physique dégagée auprès de ses interlocuteurs.
Cette maladie terrible, qui était mortelle pour la beauté des femmes, enlaidit moins un homme quand il a suffisamment de talent pour séduire avec d'autres armes.
C'est en tout cas une touche de plus permettant au caricaturiste de fouiller sans pitié un visage historique. On est révolutionnaire comme on peut.

La poésie de la caricature

 

Max Jacob, le peintre poète

Il est toujours plus riche pour l'illustrateur de ne pas se limiter à ses propres choix, y compris quand il s'agit de caricature. Ainsi, je n'aurais probablement jamais pensé à croquer Max Jacob si je n'avais été invité à accompagner un de ses textes. Et je suis très heureux de l'avoir fait.

Max, un homme multiple.

Une fois que l'on fait connaissance avec cet homme, comment ne pas être étourdi par la pluralité de son parcours. Né juif à Quimper, dans la Bretagne catholique, converti par choix au christianisme avec beaucoup de piété, il est pourtant arrêté comme juif par la Gestapo et meurt la veille d'être déporté. Peintre talentueux ami des plus grands artistes de son temps, il est principalement connu et reconnu comme l'un de nos grands poètes, précurseur du surréalisme.

Une caricature au service de l'artiste.

La caricature restant l'une des rares formes artistiques que Max Jacob n'a pas utilisée, cela me libérait pour aborder son portrait. Je suis parti d'une photographie parmi les plus connues afin d'approcher la ressemblance de cet homme trop méconnu aujourd'hui. Merci à lui d'avoir utilisé cet accessoire désuet qui le place si facilement dans son époque : le monocle. Le caricaturiste est toujours friand de tout accessoire original à même d'enrichir le portrait d'une manière spécifique. Surtout quand l'homme dessiné est, comme celui-ci, unique à plus d'un titre.

Comment être savant en caricature

 

Caricature d'Albert Einstein et sa moustache 

Décidément, certains personnages sont tellement ancrés dans l'imaginaire que chacun peut dire à quoi il ressemblait, même sans pouvoir expliquer précisément ce qu'il faisait. Dans ces cas-là, le caricaturiste se fait une joie de pousser plus loin le curseur de la déformation physique, la reconnaissance restant acquise très loin.

La formule parfaite d'Albert

Ces gueules mythiques se retrouvent souvent chez les savants anciens, comme cet ancêtre que j'avais présenté. Si, comme je l'espère, vous avez reconnu Albert Einstein, c'est bien parce que ses traits sont aussi célèbres que son apport à la science. Étant nettement plus artiste que scientifique, je vous laisserai chercher sur d'autres sources le contenu de la relativité, son grand œuvre. Mais du point de vue de l'illustrateur, je ne remercierai jamais assez ce cher Alfred d'avoir laissé pousser cheveux et moustache. Leur apport physique est immédiat, absolu et pas relatif.

Caricature au poil

On n'insiste jamais assez sur les avantages des systèmes pileux bien fournis. Peut-être pas en ce qui concerne la beauté physique, les femmes sont inégalables sur cet aspect. Mais ces hommes poilus et moustachus facilitent grandement la tâche du caricaturiste. Qu'ils en soient remerciés et ces ajouts personnels continuent à servir d'exemple à nos contemporains qui malheureusement en sont souvent dépourvus. Parole de moustachu.

La caricature est meilleure d'âge mûr.

 

J'ai déjà parlé de l'influence du temps qui passe et sa capacité à nous caricaturer. C'est pour cela que je n'aime pas dessiner la caricature de sujets jeunes. Mais quand la personne prend de la jeune, même la plus belle des femmes devient un sujet tentant de caricature.

Merci pour la caricature

Je n'aurais, par exemple, pas su dessiner Catherine Deneuve jeune. La beauté ne donne pas d'accroches et mes tentatives de déformation l'auraient sans doute vieillie avant l'heure. Les années ayant passé, la tâche est devenue plus facile. Les traits sont plus marqués, le crayon peut les accompagner et même mieux, les accentuer sans perdre la ressemblance. Surtout quand l'artiste nous donne un coup de main en modifiant elle-même son visage pour paraître plus jeune, le caricaturiste a encore moins de scrupule à jouer avec.

La caricature est une comédie

Se moquer gentiment du physique pour mettre les rieurs de son côté ne veut pas dire que l'on ne respecte pas la personne. Mademoiselle Deneuve est et reste une excellente comédienne qui sait varier ses rôles et même jouer avec son image, ce qui est la marque d'un réel sens de l'autodérision sans lequel certains vieux artistes deviennent pénibles, voire antipathiques. Ce n'est pas le cas ici, et malgré ses petites faiblesses esthétiques, nous avons bien ici une véritable reine. Vive la reine Catherine !

La caricature en général

 

Le général de Gaulle passe une radio

Les figures historiques sont fascinantes, car elles possèdent souvent une "gueule" inoubliable, profondément ancrée dans notre imaginaire collectif. Cela offre au caricaturiste une opportunité unique de jouer avec les déformations et de donner vie à des personnages emblématiques. Voici une nouvelle démonstration avec le "coup de gueule" d'un général célèbre !

L'appel de la caricature

Peu connu de ses contemporains, un appel radiophonique depuis Londres allait bouleverser le destin du général de Gaulle. Avant de devenir un visage familier, il a commencé par être une voix. Une voix reconnaissable entre mille, qui ravira les imitateurs, mais ici, nous parlons uniquement de caricature, et cela me suffit amplement.

Caricaturer pour raconter une histoire

Lorsqu'il s'agit de personnages contemporains que beaucoup ont connus, le défi du caricaturiste est de déterminer jusqu'où aller dans la déformation. Trop pousser les traits peut risquer de perdre la ressemblance, tandis que rester trop fidèle et respectueux peut limiter l'impact. Aller ou ne pas aller trop loin, là est la question.

La caricature à travers les âges

Assez ancien pour voir le général de Gaulle en direct à la télévision, je me souviens d'un homme âgé, très différent de l'homme plus jeune que j'ai représenté ici. Pour ce dessin, je me suis basé sur une photographie célèbre, mais rien ne m'empêche d'explorer ce personnage dans une version plus mature à l'avenir. Après tout, le temps est sans doute le plus grand caricaturiste !N'hésitez pas à partager vos impressions et à découvrir davantage mes œuvres ! 
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Caricature conquérante

Bonaparte sur son cheval… de bois

La caricature est par tradition associée à l'humour. Avec ses énormes transformations apportées aux visages, elle parait toujours amusante, même quand elle est traitée sérieusement. Mais les grands tableaux classiques ne frôlent-ils pas eux aussi la caricature quand ils s'écartent énormément de la réalité dans un but hagiographique assumé ? Il est tentant alors de s'en moquer.

Caricature au tableau d'honneur

Tout le monde connaît le tableau de David, magnifique mise en image du passage des alpes par Bonaparte vers sa conquête de l'Italie. On y voit le jeune général dans une attitude héroïque, drapé dans un mouvement impétueux sur un cheval fougueux. Magnifique, mais trop beau pour être vrai. Un autre tableau, forcément peint par un Anglais, montre une réalité moins glorieuse. Bonaparte y est montré chevauchant tranquillement une simple mule et s'abritant du froid dans une pelisse grise. Réaliste, mais ennuyeux. Tout comme le célèbre militaire soignant sa communication pour l'histoire, nous sommes portés à préférer une image qui a de la "gueule", fusse-t-elle complètement fausse.

Bonaparte sur un cheval de bois.

Je prétends que ma version, évidemment inexacte, n'est pas plus fausse que le tableau en prenant son exact contrepoint. Je montre Bonaparte comme il était au fond : un grand enfant qui aimait jouer au soldat. Ainsi, puisqu'il n'y avait pas de cheval, je peux bien m'amuser à l'installer sur une version en bois. La mise en scène gagne en grotesque ce qu'elle perd en héroïsme, mais après tout, ce n'est pas moi qui ai commencé à travestir la réalité. Et à dada sur mon bidet.

Caricature littéraire et classique

Caricature de Boileau

Certaines caricatures naissent d'une envie fantaisiste dont l'origine est difficile à expliquer. Cela peut être le souvenir d'un visage, mais, parfois, la mémoire scolaire d'un nom peut suffire. Tiens, et si je dessinais le portrait de Boileau ?

Un nom plus connu que l'œuvre

Pendant longtemps, les élèves apprenaient les noms des auteurs classiques du grand siècle et essayaient de les retenir à l'aide de quelques astuces. Boileau est de ceux-là. Son nom est aussi aisé à retenir que son œuvre difficile à connaitre. Je veux bien penser que c'était un poète, mais nom d'un alexandrin, ne me demandez pas de citer un de ses écrits.

Une tête de poète perruqué

L'avantage des écrivains contemporains de Louis XVI, c'est qu'ils respectaient la mode de ce temps pour en obtenir les honneurs. Quel plaisir pour un crayon de surajouter boucle et frisures au-dessus du portrait. Cela procure l'avantage de fixer immédiatement le personnage dans son époque et de donner facilement du volume à sa caricature. De ce point de vue, l'abandon de la perruque comme ornement est bien regrettable pour les caricaturistes.

Que Boileau me pardonne mon petit manque de respect, son portrait me semble aussi majestueux que cet homme de plume (d'oie). Quand on est poète classique, on le reste, en vers et contre tout !

Eureka…ricature d'Archimède

Eureka, c'est Archimède !

Les commandes de caricatures sont intéressantes dans leurs diversités, même s'il n'est jamais évident de dessiner le portrait de personnes que l'on n'a jamais vu.
Pour changer, je m'amuse aussi à représenter des personnages que je n'ai également jamais rencontrés, pour la bonne raison qu'ils ne sont plus de ce monde.
Ces "inconnus" sont pourtant suffisamment célèbres pour que chacun en ait une image en tête et puisse juger de la pertinence de la caricture.

Caricaturer une grosse tête

Cette nouvelle série commence avec un personnage qui ne date pas d'hier. Né à Syracuse en 287 avant J.C., sa célébrité n'a pas pris une ride. Tout le monde sait que Archimède était un immense savant, même si on ignore souvent l'étendue des domaines de ses recherches. Physicien, astronome, mathématicien, ingénieur, il ne lui manquait plus qu'à devenir peintre pour être l'ancêtre exact d'un Léonard de Vinci. 

Un bain de caricature

Si ce personnage attire autant mon crayon, c'est aussi par la sympathie qu'il nous inspire. Quel autre savant peut-il se vanter d'être lié à une occupation aussi agréable et intemporelle que de prendre un bain ? Même si peu d'entre nous sont capables d'expliquer précisément en quoi cela consiste, chacune de nos rentrées dans l'eau met en action sa célèbre poussée d'Archimède (surtout lorsque nous faisons déborder la baignoire). Et quel génie de laisser pour la mémoire collective l'image d'un savant si heureux de sa trouvaille qu'il se précipite hors de son bain encore nu dans les rues de la ville !

Un trait de génie

Cette nouvelle série de caricatures Barbedor met en œuvre une nouvelle technique personnelle. Après des années de dessins majoritairement exécutés au crayon, j'ai franchi le pas d'utiliser les avantages d'un outil actuel. Dessiné au stylet sur une tablette, ce cher savant antique inaugure cette nouvelle approche qui m'oblige à assumer chaque trait aussi précisément qu'une gravure. Cela me permet d'être encore plus fier lorsque le résultat correspond à mes intentions et que je peux m'écrier à mon tour "j'ai trouvé !"… sans courir tout nu dans la maison.  

Caricaturer en BD, faut y penser !

 

Caricature de motard en kilt style bande dessinée

Je peux toujours compter sur mes commanditaires pour me faire explorer des univers nouveaux. Cela me confronte à des exercices inconnus, mais c'est aussi cela qui me permet de progresser en illustration et, pour ce qui nous intéresse ici, la caricature.

Caricaturer un motard en kilt ? Certainement !

Une épouse m'a contacté pour faire un cadeau à son mari. Cela prouve une nouvelle fois que la caricature est un excellent cadeau. Je dis ça, je dis rien. L'intérêt de ce dessin était évidemment de représenter les passions du mari, à savoir la moto et le monde celtique. Le résumé parfait et déjà amusant consistait donc à le représenter en motard en kilt.

Il manquait encore un univers à prendre en compte. L'homme adore la bande dessinée (surtout celle qui traite de motards, vous vous en doutez). La question qui m'était posée était donc : "Vous sentez-vous capable de réaliser cette caricature dans un style bande dessinée ?". Je l'avais déjà fait une fois, mais de manière plus simple. Cette fois-ci, il était souhaité d'inclure le personnage dans un paysage avec des annotations bien précises. Il ne me restait plus qu'à relever le défi.

Caricaturer une moto, jamais sans photo.

Afin de réussir le dessin et d'apporter toute satisfaction à ma cliente, le minimum était que le personnage soit ressemblant. Mais, pour un motard passionné, il était indispensable que sa monture, même représentée de manière cartoonesque, ne soit pas identifiable. La seule solution, une documentation photographique suffisamment parlante pour me permettre de représenter une personne que je n'avais jamais rencontrée et un engin que j'ignorais totalement. Heureusement, je reçus plusieurs portraits et photos de la machine de bonne qualité, même si le rendu aurait été meilleur si la moto était visible sous plusieurs angles.

Il ne me restait plus qu'à représenter tout cela dans un style bande dessinée, encore plus reconnaissable en ajoutant la même mise en couleurs que dans les albums.

Résultat, je me suis bien amusé à faire ce dessin/caricature, en ajoutant une petite touche Barbedor avec des animaux, la cliente a adoré le résultat, et j'ai ajouté une nouvelle palette à mes prestations de caricaturiste.

Une caricature qui a le pied marin

Comme je l'ai déjà évoqué, une caricature, tout en cherchant à amuser, peut être également respectueuse, à l'instar du respect éprouvé pour le personnage représenté. C'est le cas en ce qui me concerne à propos de cet immense marin qu'était Éric tabarly.

Une carrière jalonnée d'exploits

La carrière d'Éric Tabarly est marquée par de nombreuses victoires qui ont contribué à sa légende. En 1964, il remporte la Transat anglaise en solitaire à bord de son voilier Pen Duick II, battant les favoris anglais et américains. Cette victoire inattendue propulse Tabarly sur le devant de la scène internationale et marque le début d'une série d'exploits.

- 1967 : Victoire dans la course Sydney-Hobart

- 1976 : Nouvelle victoire dans la Transat anglaise

- 1980 : Record de la traversée de l'Atlantique en équipage

Autant de performances exceptionnelles qui font d'Éric Tabarly, colosse au sourire d'enfant malicieux, le "patron" de la voile française.

Un marin qui sait innover

Tabarly ne se contente pas de naviguer ; il révolutionne également la conception des voiliers. Il est notamment à l'origine de nombreuses innovations techniques qui ont transformé la navigation de compétition : l'utilisation pionnière des matériaux composites ou l'amélioration de l'hydrodynamisme des coques avec les premiers essais de foils permettant aux voiliers de "voler" sur l'eau.

Une légende à jamais liée à la mer

La disparition tragique d'Éric Tabarly en mer d'Irlande le 13 juin 1998 m'a profondément marqué, comme tous les bretons et bien au-delà du monde de la voile. Tombé en mer en pleine nuit, une fin maritime à l'image de sa passion qui aura animé toute sa vie.

Une image gravée pour toujours

Par cette caricature, je voulais partager, en plus de mon immense admiration, l'émotion que j'avais ressenti en le côtoyant parmi les spectateurs venus à Saint-Malo pour le départ de la Route du Rhum. Je le dévorais alors des yeux, comme je l'avais fait quelques années plus tôt en le voyant naviguer sur son légendaire Pen Duick II en rade de la Trinité.
Le caricaturiste Barbedor a le crayon parfois trop ému pour être méchant. Tant pis pour la charge de la caricature, on ne se moque pas de ceux qu'on admire.